Derrière le volant - Une entrevue avec Rick Hendrick

Greg Uland, directeur du marketing chez Reynolds et Reynolds, rencontre Rick Hendrick, président du conseil d'administration (PDA) de Hendrick Automotive Group. Dans cette entrevue exclusive, M. Hendrick raconte son histoire, les défis qu'il a dû relever et les changements qu'il prévoit sur le marché.

« Merci beaucoup d'avoir pris le temps de me rencontrer pour discuter de vous-même, de Hendrick Automotive Group et de votre approche des affaires. »

« C'est un plaisir de vous avoir ici. »

« Merci. » « Vous avez une histoire plutôt bien documentée, n'est-ce pas? Vous avez tout misé à 26 ans pour acheter votre premier concessionnaire. Vous en avez fait une histoire à succès et vous avez acheté City Chevrolet à Charlotte, pour en faire le plus grand concessionnaire Chevrolet des Carolines. Et à partir de là, vous avez pris de l'expansion assez rapidement. En rétrospective, il semble que vous ayez tout compris. Était-ce le cas? Pouvez-vous nous en parler un peu? »

« Je croyais avoir tout compris. La réalité, c'est que j'ai une passion pour les voitures. Les courses et l'industrie automobile ont toujours été mes deux grandes passions. City Chevrolet était une occasion en or pour moi de développer des aptitudes qui ont pavé la voie vers la réussite, ce qui a créé plusieurs autres opportunités. Avec du recul, je crois que j'ai peut-être pris de l'expansion un peu trop vite à certains moments, et je m’attaquais à n'importe quelle offre. Le problème avec cette approche, c'est que lorsque le marché pique du nez, on peut tout perdre. Donc, en rétrospective, je pense que j'aurais dû faire preuve de plus de modération au début, mais quand on est jeune et agressif, on a tendance à croire qu'on peut tout régler. »

« Puisqu'on parle de la capacité à tout régler. De nombreuses personnes diraient que vous êtes un véritable expert en gestion de concessionnaires. Que vous savez bien gérer un concessionnaire. Vous avez transformé de nombreux concessionnaires mal gérés en véritables gagnants. Alors, que dites-vous aux autres concessionnaires lorsqu'ils viennent vous voir et qu'ils vous demandent « Comment puis-je transformer mon concessionnaire? Par où devrais-je commencer? » 

« Vous savez, tout tourne autour des gens. Je me fiche de savoir dans quel genre d'entreprise vous êtes. Nous travaillons avec les gens, et si vous avez une équipe de leadership compétente, c'est beaucoup plus facile. Des gens qui sont bien formés, qui travaillent en équipe et qui créent la bonne culture. Avec une bonne équipe de gestion, tout le reste tombe en place. »

« Sans oublier le travail ardu. »

« Oui, bien sûr! Avec le temps et l'expérience, on apprend de nos erreurs. Ma philosophie est que si vous faites une erreur une fois, vous essayez de ne pas la répéter. Tout dépend des gens, et j'ai eu la chance d'être entouré de beaucoup de personnes talentueuses. J'ai vu des situations où un petit changement très simple a permis de transformer rapidement un concessionnaire en réussite. »

« Donc, si l'on passe à un sujet un peu plus large alors... Sur quels départements votre équipe et vous-même vous êtes-vous concentrés pour apporter des améliorations au cours des trois à cinq dernières années? »

« Il faut s'adapter avec le temps. Je dirais que c'est le simple fait de pouvoir mieux communiquer avec nos employés et nos clients, et de les faire entrer et sortir du concessionnaire rapidement. Je pense que le système docuPAD® a fait la plus grande différence pour nous au cours des trois à cinq dernières années. Le simple fait de pouvoir désarmer le client, de lui permettre de se sentir à l'aise, de participer à la fermeture de l'offre et à la paperasse. Il y a moins d'erreurs, donc le processus prend moins de temps. Je pense que c'est un bon exemple. Le simple fait de pouvoir contrôler nos inventaires à l'aide de systèmes et d'avoir des informations en temps réel et accessibles. Je pense que c'est tout ça, de rester au fil de ce qui se passe autour de vous sur le marché. Si vous prenez du retard, les clients iront ailleurs. Ils ont beaucoup d'options. Je pense donc qu'il faut être à la fine pointe de la technologie, et c'est ce que nous avons essayé de faire. Reynolds a été un excellent partenaire à cet égard. »

« Donc, en parlant de l'avant-gardisme... Quels sont les plus grands défis que vous prévoyez, et que votre équipe voit peut-être, dans la vente au détail d’automobiles aujourd'hui et à l'avenir? »

« Pensons à comment les choses évoluent dans la société en général. Les téléphones cellulaires, par exemple. Les gens veulent pouvoir commander quelque chose, le faire livrer et payer à l'aide de leur téléphone. Je pense donc qu'il faut continuer à essayer de répondre aux besoins du client. S'ils ont besoin de quelque chose, c'est ce que nous devons faire. La rapidité du traitement de la transaction. La transaction va-t-elle se faire sur Internet? Dans quelle mesure peut-on le faire sur Internet? Et simplement répondre aux attentes du client. Il s'agit simplement de s'assurer que tous les membres de l'équipe sont sur la même page. Il faut s'assurer d'avoir une équipe composée des gens les plus intelligents, dynamiques et compétitifs, qui répondront aux besoins du client. C'est eux qui auront les ventes. Nous devons également surveiller nos activités, connaître nos inventaires et nos comptes recevables. Nous avons fait une transition vers un bureau consolidé, un concept auquel je m'opposais au début. »

« Vraiment? »

« Oui, parce que j'aimais avoir une personne spécialisée en finances dans le concessionnaire pour m'aider. J'ai donc résisté. Maintenant, nous avons traversé toute la consolidation. Si vous vendez 20 000 véhicules par mois, vous pouvez avoir un état financier en deux jours et demi. C'est vraiment très, très bien, parce qu'à mes débuts, je gardais les livres ouverts pendant deux ou trois jours pour essayer de rentrer toutes les transactions. Je n'avais pas accès à l'état financier avant le huitième jour du mois. Je suis enthousiaste par rapport à l'avenir de notre entreprise et j'ai hâte de voir des transactions sans papier, grâce auxquelles les banques peuvent accepter les paiements plus rapidement, le financement est accéléré, et les clients peuvent passer moins de temps dans nos bureaux. Mais ça change, ça change rapidement. »

« Un des sujets que j'aimerais aborder davantage est celui de livrer au client ce qu'il veut. Vous avez mentionné l'achat de véhicules en ligne et à quel point cette transaction pourrait se faire entièrement en ligne. Comment voyez-vous l'équilibre entre la commodité pour les clients d'acheter quelque chose en ligne et le besoin de les inviter dans le concessionnaire pour assurer la rentabilité? Comment gérez-vous ces deux réalités? »

« Selon mon expérience jusqu'à maintenant, les gens font leur recherche en ligne, et ils vont peut-être obtenir un prix en ligne, mais en réalité, ils veulent voir et essayer le véhicule. Lorsqu'ils arrivent au concessionnaire, ils viennent pour l'expérience; ils voient ce qu'ils veulent acheter et en font l'essai routier. Je pense que c'est le côté amusant de l'expérience. Je pense donc qu'il faut accélérer le processus et créer un environnement accueillant pour le client. Nous ne voyons pas cela souvent, juste essayer de faire la totalité de l'offre en ligne, parce que ce n'est pas comme un chapeau, une chemise ou un meuble que vous savez à quoi ça ressemble et que c'est juste quelque chose que vous voulez. Mais une voiture reste une expérience agréable pour les gens. Mais je pense que tout cela se résume à une seule chose, et c'est leur expérience client. Les gens en parlent, mais il faut le vivre. Il faut créer un environnement qui les incitera à revenir, parce que nous avons besoin d'eux. Nous voulons des clients pour la vie. Nous vendons 200 000 véhicules par année, mais notre philosophie est la même que lorsque nous en vendions 2 000 par année. Il faut traiter les gens comme ils veulent être traités, tout en étant très professionnel. »

« Eh bien, y a-t-il des choses que vous faites ou que vous consultez chaque jour pour vous assurer le rendement optimal de votre entreprise? »

« Ce que je fais religieusement, c'est une conférence téléphonique avec tous mes concessionnaires à la fin du mois. Ça me prend deux jours. Je passe en revue chaque concession avec chaque directeur général et j'analyse chaque département. Ça se passe à l'écran, et nous examinons leurs stocks, leurs profits, le nombre de véhicules qu'ils ont en stock, leurs prévisions, et leur performance par rapport à leurs prévisions. Et donc après ces deux jours, j'ai une idée de ce qui se passe dans les inventaires de mes 95, 96 ou 100 concessions, des revenus des F&A. C'est vraiment quelque chose que je fais depuis que j'ai obtenu trois concessions en 1978. Et donc, encore une fois, c'est la communication, c'est apprendre les uns des autres, ça nécessite les meilleures pratiques, et j'ai fait ça tout au long de ma carrière. »

« Au cours de vos 44 années environ dans ce domaine. »

« Oui, j'ai arrêté de compter. »

« Vous avez vu beaucoup de hauts et de bas. »

« En effet. »

« Vous avez connu un bon succès, mais je suppose que vous avez aussi connu des échecs. »

« Oui, bien sûr. »

« En général, nous apprenons davantage de nos échecs que de nos succès. »

« C'est vrai. »

« De quel échec pensez-vous que vous avez le plus appris? »

« J'ai dû me reprendre tellement de fois que c'est difficile d'en choisir une seule. Je pense que c'est l'échec du marché. Je pense qu'il faut aller de l'avant, prendre de l'expansion ou ne pas prévoir que la situation va se détériorer. Et voyez, j'ai survécu à l'embargo pétrolier arabe. J'ai connu des taux d'intérêt de 21 %. Quand il y a des centaines de Chevrolet dans le stationnement, à 21 % d'intérêt, on commence à se demander si on va y arriver. Alors, que devez-vous faire pour vous préparer? Il faut avoir des inventaires exacts. Il faut s'assurer d'avoir suffisamment d'argent en banque. Il faut éliminer le non nécessaire. Je veux dire, quand on vieillit, on ralentit un peu et on dit, "D’accord, je veux être le meilleur." Je ne veux pas nécessairement être le plus gros; j'étais le plus gros en 1996, j'étais le plus gros groupe de concessionnaires au pays. Mais ce n'est pas ce qui importe pour moi. Je veux être considéré comme l'un des meilleurs. Je veux que les gens regardent nos organisations, et qu'ils se disent qu'elles ont la bonne culture, qu'elles prennent soin de leurs employés, qu'elles dominent le marché et qu'elles sont en accord avec tous les manufacturiers. Je pense que c'est un exemple de notre esprit compétitif. »

« Bien sûr. Vous êtes donc considéré comme le chef de file d'une entreprise prospère. Lorsque les gens vous demandent selon quels principes ou valeurs vous gérez votre entreprise, que leur dites-vous? »

« Je crois qu'il faut tout d'abord s'occuper de ses employés. S'ils sont satisfaits, motivés et qu'ils ont l'impression de faire partie de l'équipe, ils vont être prêts à attaquer le marché. Je pense donc que c'est primordial. Il suffit d'avoir un bon groupe de gens, intelligents, qui ont la même culture que vous voulez dans vos concessions, et lorsqu'ils croient ensemble qu'ils peuvent accomplir n'importe quoi et qu'ils sont tellement compétitifs qu'ils veulent gagner à tout coup, alors ça devient amusant. Ce n'est pas seulement une question d'argent. Il s'agit d'entrer dans le jeu. Il s'agit de prendre soin de ses employés. »

« Je crois que l'industrie automobile est l'une des meilleures au monde. Elle incarne le rêve américain et ce qui est possible grâce à l'entrepreneuriat. Que diriez-vous aux autres concessionnaires par rapport à l'avenir de notre industrie et comment faire pour réussir pour les générations à venir? »

« Je pense que si vous aimez ce que vous faites, mais que votre objectif est de prendre soin de vos employés et de vos clients, vous ne ferez pas passer les profits en premier. Ce que je veux dire, c'est que si vous prenez soin de vos employés, si vous écoutez vos clients, si vous les traitez comme vous voudriez que l'on vous traite, les profits viendront. Et vous créez ainsi une culture qui va se perpétuer. C'est excitant. On célèbre ensemble. Je crois que c'est important de célébrer. Je crois qu'il faut récompenser les gens. Et ce n'est pas qu'une question d'argent; c'est une question de reconnaissance. C'est une façon de créer un environnement positif et excitant où les employés ont hâte de venir le matin, car ça devient beaucoup plus qu'un emploi pour eux. Ils essaient d'accomplir des choses, d'atteindre leurs objectifs et d'être les meilleurs. Et je les compare constamment les uns contre les autres. Ce ne sont que quelques trucs que nous avons appris au fil du temps; ce n'est pas une stratégie formelle. Je dis aux gens que notre stratégie est votre stratégie. Nous la changerons tous les jours. »

« Vous y avez fait allusion plus tôt. C'est votre approche depuis un certain temps déjà. » « Exactement. » « Et pour conclure, dites-moi, qu'est-ce qui vous motive à vous lever le matin? Pourquoi continuez-vous à faire cela tous les jours? »

« Eh bien, tout a commencé quand j'avais 12 ans. J'ai construit mon premier véhicule à avec mon père, à 14 ans. Et j'adore les automobiles. Je suis tout aussi excité à l'idée de voir une nouvelle voiture que lorsque j'avais 18 ans. Je suis allé conduire la nouvelle Corvette il y a un mois, et j'étais comme un enfant dans une confiserie. J'étais excité à l'idée d'être le premier à voir le véhicule. J'aime l'industrie et les gens. J'aime les clients. J'aime tout, vraiment. Ceux qui ont la chance de gagner leur vie en faisant ce qu'ils aiment n'ont pas de difficulté à se lever le matin. »

« C'est merveilleux. Eh bien, monsieur Hendrick, je ne saurais trop vous remercier d'avoir pris le temps de nous rencontrer. Merci beaucoup. »

« C'était agréable. »

« Merci. »